Nikita en 2011

Bonjour, je m’appelle Nikita, j’ai 4 ans et demi.

Je suis née en octobre 2006 avec 5 semaines d’avance.

J’ai passé beaucoup de temps dans les hôpitaux. (Quasiment 6 mois ma 1ère année.) à la recherche d’une réponse à mes difficultés d’alimentation..

J’ai été nourrie exclusivement par sonde pendant 10 mois, attachée sur un matelas en pente quasiment 19 h sur 24, vomissant abondamment et gavée de médicaments..

Pendant cette période ma maman a eu la chance de rencontrer, merci Internet, une orthophoniste à Toulouse, auteur d’un livre sur ce type de problèmes.. Elle nous a beaucoup aidés par ses conseils, sa présence, et nous avons tenu le coup et fait évoluer mon alimentation grâce à elle. J’ai pu être « branchée » moins longtemps dans la journée, et donc « vivre » un peu plus.. A l’hôpital, ils se contentaient de me peser, de me mesurer, et de dire à ma maman : « un jour il y aura un déclic et elle mangera.. ». Et après 10 mois on a proposé à ma maman de me faire une gastrostomie.

Mais ma maman venait de découvrir, toujours sur Internet, l’existence d’un hôpital en Autriche « spécialisé » dans le sevrage des gavages par sonde, avec 95% de réussite. Avec l’accord du médecin conseil, et grâce à un dossier « en béton », je suis allée là-bas 3 semaines avec ma maman. J’ai eu la chance de rencontrer un médecin, qui avec l’aide de son service, m’a sevrée de ma sonde. Pour la 1ère fois j’ai mis une tétine dans ma bouche, et du jour au lendemain j’ai pu enfin dormir sur le dos, à plat, bouger, tout en arrêtant tout traitement médical, et tout en arrêtant de vomir.. Avec accompagnement et suivi médical, bien sûr.. Une nouvelle vie commençait; j’allais pouvoir profiter de la vie et de mes parents… Librement..

Je n’ai été diagnostiquée S.R.S. qu’en février 2010, à 3 ans et demi, et encore grâce à la persévérance de ma maman… Par hasard, elle a lu l’article d’une mamnan sur son fils Enzo, dans un journal type Enfants Magazine, en 2009. Suite à cela elle s’est renseignée sur cette maladie sur Internet, et elle a trouvé tellement de similitudes avec moi qu’elle a ensuite rencontré, toujours grâce à Internet, le site ASBL Alice, et bien entendu sa présidente et ses gentils et précieux conseils… Après avoir cogité « longtemps », ma maman a décidé de reprendre contact avec ce gentil médecin en médecine génétique qui m’avait vue lorsque je n’avais que quelques mois.

Longue attente pour le rendez-vous..

2è contact aussi bon que le premier, et là, enfin, une oreille qui écoute, comprend ma maman, et confirme, que oui, peut-être, ça peut être le S.R.S.

Prise de sang. Nouvelle longue attente.. Et là, confirmation de diagnostic. S.R.S. avec disomie maternelle du chromosome n°7. Enfin, on sait contre quoi on va pouvoir se battre.

J’ai pu commencer un traitement par hormone de croissance, en juin 2010.. Depuis j’ai bien grandi..

Grâce à ma piqûre quotidienne, que je supporte bravement, j’ai grandi de 10 cm en un an, alors que ma croissance stagnait.. J’ai aussi pris beaucoup de muscles, suis beaucoup plus tonique, je ne tombe plus quand je cours, alors qu’avant j’étais coutumière du fait. J’ai bon appétit et n’ai plus fait d’hypoglycémies. Je n’ai plus eu besoin de faire de sieste l’après-midi, ni de dormir longuement le matin.

Je suis suivie par une orthophoniste que je vois deux fois par semaine, ayant des retards de langage.

Je suis désormais suivie pour ma maladie à l’Hôpital TROUSSEAU à PARIS, car c’est le Centre de Référence National pour le Syndrome de Silver Russell.. Ils sont pluridisciplinaires et me suivront quand au risque d’une puberté précoce, et pour les soins maxillo-faciaux.

J’ai une grande soeur de 8 ans, Natacha, pour qui la vie a été compliquée à cause de moi… Aujourd’hui je pèse 14 kg et mesure 97 cm. Je vais entrer en 2è année de maternelle, et la maîtresse est satisfaite de mon travail.

Nikita aujourd’hui

Depuis je suis toujours suivie, mais de manière moins prononcée, car je vais bien…!

Je mange tout à fait normalement, et ma croissance se déroule bien, grâce à l’hormone de croissance ( j’ai ma piqûre tous les soirs ).

Je suis scolarisée, avec l’aide d’une AVS qui m’aide à me concentrer. Je suis toujours aussi « speed » et veux tout faire toute seule, parfois au détriment de la qualité de mon travail… La maîtresse a du mal à le comprendre… et pense parfois que je n’apprends pas mes leçons… alors que je les apprends, mais que le jour même, lors de l’évaluation, je perds un peu les pédales et réponds parfois à côté… d’où parfois des « mauvaises notes »…. Mais ce n’est pas grave, aux yeux de ma maman….

J’ai un suivi ponctuel par une ergothérapeute, une orthoptiste, et parfois une psychomotricienne au CMP près de chez moi.

Mais j’avoue que ça commence sérieusement à m’ennuyer, toutes ces séances qui m’empêchent de profiter de mon mercredi après-midi comme certains autres enfants….

Aussi, comme désormais je vais à l’école aussi le mercredi matin, on a espacé les séances, pour qu’il n’y en n’ait plus qu’une par après-midi ( car en plus, ce n’est jamais à côté de chez nous, habitant à la campagne…. )

J’adore les prises de sang que l’on me fait de temps en temps, pour suivre mon traitement ! Car on me met un masque pour que je ne souffre pas, et j’adore inhaler le gaz parfumé, qui me fait beaucoup rire…!!!!

J’ai commencé une puberté précoce à presque 8 ans, mais là aussi, j’ai vite et bien été prise en charge…! Une nouvelle piqûre tous les 12 semaines, mais au moins les signes ont régressé ! Ça aurait été dommage à 8 ans, que je commence à ressembler à une jeune fille… et il n’aurait pas fallu, en plus, que je grandisse d’un coup et que ma croissance s’arrête après…!!

Ma maman n’a plus guère le temps de m’emmener pour les consultations à Paris à l’Hopital TROUSSEAU chez le Dr NETCHINE, mais un docteur qui travaillait là bas avec elle, travaille désormais près de chez nous à l’Hopital de HAGUENAU. Il s’agit du Dr ROSSIGNOL, qui fait désormais le lien et s’occupe bien de mon suivi.

Pour la même raison, je vais chez un orthodontiste près de chez moi… mais ça va plutôt bien, même si je devrai porter un appareil dentaire plus tard, comme beaucoup d’enfants… ma mâchoire est juste un peu étroite, et les dents poussent un peu à tort et à travers, voire en double épaisseur…

Enfin, j’ai revu le neuro pédiatre, qui lui aussi, m’a dit que tout allait bien !

Voilà, je suis une petite fille heureuse, gaie, un vrai petit diablotin, et je fais damner ma sœur, et ma maman…! Bonne continuation à vous tous !

Comment se déroulaient les « repas de Nikita »

Avant son sevrage de gavage

Quand Nikita est sortie de l’hôpital début 2007 elle était nourrie exclusivement par la sonde, 19 heures par jour, donc attachée sur un matelas en pente. Je ne pouvais quasiment pas la prendre dans les bras, elle régurgitait beaucoup quand on la portait d’ailleurs.

Grâce aux rendez-vous téléphoniques réguliers avec l’orthophoniste on a réussi petit à petit à diminuer la durée de son alimentation, et à accélérer le débit de son alimentation. Le but était d’arriver à quelques bolus dans la journée, et à ce que Nikita ait une vie plus normale.

Le fait d’être attachée sur un matelas en pente 19h par jour, alors qu’un bébé peut gigoter dans son lit à son aise, a causé à Nikita de forts retards psychomoteurs.. A chaque bolus, je m’asseyais en face de Nikita et essayais de lui mettre dans la bouche de petites quantités de nourriture, type compotes de fruits, pour qu’elle associe prise de nourriture (gavage) avec goût dans la bouche, déglutition, etc. Qu’elle ne soit pas seulement gavée, mais préparée à un retour à l’alimentation orale..

Le fait d’être nourrie par sonde a aussi entraîné chez Nikita des retards de langage. Pour elle la sphère orale n’était que souffrance.. Pose de la sonde, vomissements, .. J’essayais de lui faire des massages de la bouche, mais cela déclenchait des pleurs chez elle. Je n’ai jamais été aidée dans le sens où l’orthophoniste à qui je m’étais adressée à l’époque n’avait pas le temps de prendre en charge Nikita..

Je lui faisais par ailleurs des massages des membres pour la stimuler..

Pendant cette période j’ai été son infirmière plus que sa maman.

A Hautepierre au bout de ces 10 mois ils m’ont proposé de faire une gastrostomie à Nikita.

Heureusement que grâce à Internet j’avais trouvé une autre solution, le sevrage de gavage en Autriche.

Je peux vous dire qu’à Hautepierre on m’a pris, je crois, pour une « folle » qui allait débrancher son enfant et le mettre en danger..

LE SEVRAGE DE GAVAGE EN AUTRICHE

Grâce à l’accord du médecin Conseil de la CPAM je me suis rendue avec Nikita à l’Hôpital universitaire de Graz, en Autriche, où on nous acceptait dans un programme de sevrage de la sonde (trois semaines). Nous avons été accueillies par une équipe pluridisciplinaire formée à accompagner le parent, et l’enfant, dans ce sevrage.

Il y avait là des enfants venant du monde entier..

Nikita s’est arrachée la sonde rapidement, comme à son habitude. Je voulais profiter de la présence de personnel médical pour qu’ils la lui remettent, chose que j’étais souvent obligée de faire moi-même.. Et là on m’a répondu que non, on n’allait pas la lui remettre, et que non, Nikita n’aurait plus jamais de sonde..

On m’a dit que Nikita me ferait un « signe » quand elle serait prête à manger par la bouche..

Là a commencé une attente..

Nikita ne s’est pas alimentée pendant quelques jours.. La nuit on la mettait sous perfusion.

Et puis un jour Nikita m’a fait le fameux signe que j’attendais : elle a juste avancé les lèvres (comme lorsqu’on veut faire un bisou.), laissant apparaître un petit trou entre ses lèvres, et j’ai pu y glisser l’embout d’une seringue. et lui donner 1 ml de FORTINI..

C’était le début..

Je l’ai nourrie comme un petit oiseau, millilitre par millilitre, seringue après seringue, dès qu’elle était d’accord et mettait sa bouche « en cul de poule ». Il fallait une présence constante, et beaucoup de « ruse » car il fallait tout le temps l’occuper, la faire jouer, lui faire manipuler des petits objets, ..

Nikita n’a pas « commencé à manger » plus que cela en Autriche, même si dès le départ elle a bien participé aux « baby picnics » en mettant certains aliments à la bouche..

Mais ce séjour a changé notre vie.

Du jour au lendemain Nikita a pu dormir à plat sur un matelas normal, du jour au lendemain elle n’a plus vomi, et du jour au lendemain on a arrêté tous les médicaments qu’elle prenait.

Les repas de Nikita après son sevrage

Pendant 3 mois on a nourri Nikita exclusivement à la seringue. Toujours en rusant beaucoup. A un enfant « normal » on va interdire le jeu pendant les repas.. Avec Nikita c’était obligatoire. Même la télé nous a permis de l’alimenter, on lui faisait voir des vidéos musicales et très animées, et là, couchée par terre devant la télé, pendant une demi-heure parfois, on la nourrissait à la seringue..

Puis pendant trois jours environ, elle a refusé toute nourriture..

Et le 1er janvier 2008 elle s’est mise à manger toute seule, avec les mains et la bouche..

Sa base alimentaire a été : des barres de Kinder, et elle buvait des biberons de jus d’orange, parfois de Smoothys.. On passait 4 heures par jour à table. Chaque repas durait une heure, c’est-à-dire que pendant une heure elle acceptait, de temps en temps, de manger un petit morceau. Je lui préparais à chaque repas un buffet type club med, sur le modèle des baby picnics d’Autriche, tout en petits morceaux, car elle n’a jamais mangé d’aliments moulinés.. Petites tartines, morceaux de fruits, jambon et fromage découpés en petits morceaux, pains et brioches, etc.. Je faisais mes courses en cherchant dans les rayons les aliments les plus caloriques. Et j’ai tout essayé. (prenant de mon côté quelques kilos..)

A l’occasion des grandes vacances elle a découvert d’autres horizons, et peut être aussi d’autres horizons alimentaires puisque c’est là qu’elle a fait un nouveau bond en avant. Pour la première fois elle a croqué dans un petit pain au chocolat.. Et a commencé alors une nouvelle alimentation, diversifiée et en quantité plus normale..

Voilà, nous avions gagné la bataille..!!!!

Depuis Nikita mange bien..normalement..Et ce n’est que du bonheur.Elle a faim, réclame à manger, voire va se servir toute seule dans les placards..