Améliorer l’accès des patients aux traitements : au croisement entre passé et avenir
D’ici fin 2020, la Commission européenne proposera une nouvelle Stratégie pharmaceutique. Cela aura des répercussions sur l’innovation thérapeutique, sur le développement de traitements et sur leur accès en Europe.
L’accès aux médicaments est un sujet d’actualité pour les personnes vivant avec une maladie rare : la majorité d’entre elles ont un accès retardé voire n’ont pas accès au médicament dont elles ont besoin ; souvent aussi, ce médicament n’existe tout simplement pas.
Une récente enquête Rare Barometer, à laquelle ont répondu plus de 7 500 personnes dans le monde, montre que si 69 % des patients atteints de maladie rare étaient traités pour leur maladie, seulement 5 % ont bénéficié d’un traitement transformatif approuvé par l’ensemble de l’Union européenne.[1] Comme exposé dans notre article publié en 2018 « Débloquer l’accès pour ne laisser personne de côté », les personnes vivant avec une maladie rare méritent d’accéder à un traitement de même qualité que la majorité de la population.
La perspective d’une nouvelle législation européenne est l’occasion de réflechir à l’accès aux traitements des patients atteints de maladie rare : comment évaluer les avancées des vingt dernières années et veiller à ce qu’elles se poursuivent à un rythme soutenu pour ne laisser personne de côté ?
Qu’avons-nous accompli à ce jour ?
Ces vingt dernières années, EURORDIS et ses organisations membres ont consacré une grande part de leurs actions de plaidoyer à améliorer l’accès des patients aux médicaments.
Règlement sur les médicaments orphelins : un nouvel écosystème pour développer des traitements
Le Règlement de l’UE sur les médicaments orphelins aide à transformer les vies de nombreuses personnes atteintes de maladie rare, puisque 181 nouveaux traitements orphelins ont été approuvés et que 2 286 médicaments ont reçu la désignation d’« orphelins ».
Ce Règlement reste une réussite puisqu’il remplit son objectif premier – en incitant à investir dans le développement de thérapies traitant les maladies mortelles ou invalidantes pour des millions de personnes qui vivent aujourd’hui sans aucun traitement ou sans traitement satisfaisant.
La collaboration transfrontalière au service de l’innovation
La collaboration transfrontalière et le soutien des institutions européennes ont donné lieu à de nombreuses réalisations marquantes dans le domaine des maladies rares. Les réseaux européens de référence en particulier ont créé une structure claire pour partager les connaissances et les directives relatives aux traitements, et pour instaurer des centres d’expertise dispensant des thérapies transformatives. Le Programme conjoint européen sur les maladies rares a étendu ses réseaux, créant un écosystème complet et durable, propice à un cercle vertueux entre recherche, soins et innovation médicale.
Les patients atteints de maladie rare siègent à la table du développement de médicaments
Les représentants de patients vivant avec une maladie rare sont également devenus des acteurs clés dans le développement et l’approbation de traitements. L’EURORDIS Open Academy joue un rôle crucial pour renforcer les patients en leur transmettant les connaissances et compétences nécessaires pour participer aux discussions avec les organismes de réglementation et les entreprises.
Nick Sireau, CEO et président de l’AKU Society, a participé au processus qui a récemment conduit l’Agence européenne des médicaments à émettre un avis favorable sur le premier traitement efficace de l’alcaptonurie. Il compte aussi parmi les plus de 400 diplômés de l’EURORDIS Summer School, qui ont fait le déplacement depuis plus de 40 pays pour suivre cette Université d’été ces 13 dernières années. Il commente :
« EURORDIS a représenté un soutien considérable pour notre action de plaidoyer qui, après 17 ans, aura conduit l’Agence européenne des médicaments à émettre un avis favorable sur le traitement de l’alcaptonurie.
« L’EURORDIS Summer School, en juin 2011, a marqué un moment très fort en me faisant découvrir l’ensemble du processus de réglementation et en nous aidant à définir notre stratégie. »
Quels défis restent à relever ?
Cependant, il est encore très difficile d’accéder à des traitements approuvés. La situation est claire : il est urgent d’agir.
Nous continuons à assister à des situations où patients et familles n’accèdent pas à un médicament, pourtant disponible dans un pays voisin. C’est le cas pour 22 % des personnes ayant répondu à l’enquête Rare Barometer.[1] Cette inéquité ne peut plus durer.
Nous observons aussi au quotidien de multiples exemples où fabricants et payeurs ne parviennent pas à s’entendre sur le prix d’un nouveau médicament orphelin, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques pour les patients nécessitant un accès à ces thérapies.
Ce cycle se répète à mesure que de nouveaux développements scientifiques en matière de diagnostics et de traitements apportent avec eux la promesse de nouvelles thérapies, mais un prix élevé les empêche d’atteindre rapidement les patients concernés. Rare Impact a évalué les problèmes en question et propose des solutions pour faciliter l’accès à ces traitements transformatifs pour maladies rares en Europe, les rapports par pays étant disponibles dès à présent.
Qu’attendons-nous de la Statégie pharmaceutique européenne ?
En 2018, nous avons formulé notre volonté de voir proposer d’ici 2025 entre trois et cinq fois plus de nouvelles thérapies maladies rares par an trois à cinq fois moins chères qu’aujourd’hui. Notre principe directeur demeure identique : comment obtenir plus de traitements et de meilleurs traitements pour les personnes vivant avec une maladie rare ?
L’an prochain, nous présenterons nos recommandations finales tirées de l’étude prospective Rare 2030, qui explore divers scénarios pour les maladies rares. L’objectif est de les utiliser pour informer les décideurs politiques afin de construire un avenir meilleur pour les personnes atteintes de maladie rare. Sans surprise, l’accès aux traitements occupe une place centrale. Toutes les parties prenantes du domaine ont été impliquées pour développer cette vision. Il leur appartient désormais d’en assumer la responsabilité collectivement afin de la réaliser.
Pour initier le changement dont nous avons besoin, la nouvelle Stratégie pharmaceutique en Europe doit remédier à deux grands problèmes : les inégalités considérables d’une part en matière de délais d’accès et d’autre part en matière d’investissement dans la recherche pour accélérer le développement de traitements.
Yann Le Cam, Chief Executive Officer chez EURORDIS, commente :
« Il est totalement inacceptable que seule une poignée de traitements transformatifs soit disponible pour les personnes vivant avec une maladie rare. Partout en Europe, les patients ne devraient pas subir les conséquences d’un système fragmenté qui s’articule entre 28 marchés distincts et ne favorise aucun accès efficace aux médicaments.
« Nous sommes persuadés qu’un nouvel écosystème est possible, un cadre fondé sur une approche globale propice à l’innovation pour répondre aux besoins médicaux non satisfaits et viable à long terme pour les systèmes de santé, ainsi que sur une attractivité financière pour le secteur et les investisseurs.
« Impossible de manquer l’occasion de faire tout cela avec une nouvelle Stratégie pharmaceutique européenne. L’UE devrait avoir pour ambition de devenir un leader mondial du secteur de la santé, en particulier dans les maladies rares, qui montrent actuellement la voie en innovation thérapeutique. »
[1]Enquête Rare Barometer sur l’expérience des patients atteints de maladie rare en matière de traitements (2019) ; résultats présentés à la Conférence européenne sur les maladies rares et les produits orphelins (ECRD) 2020 ; données disponibles sur demande
Jenny Steele, Communications Manager, EURORDIS